L’intelligence artificielle (IA) n’est plus une vague promesse futuriste, elle s’est installée durablement dans le paysage académique. C’est le constat dressé par l’Université de Rhode Island (URI), où cette technologie en pleine évolution ne relève plus de la science-fiction, mais du quotidien des chercheurs, des étudiants et du corps professoral. Alors que l’enseignement supérieur célèbre ces innovations, une réflexion plus large s’impose quant au rôle précis que ces outils doivent jouer dans la formation des plus jeunes.
Une vitrine pour l’innovation universitaire
Pour mettre en lumière l’ampleur de cette transformation, l’Université de Rhode Island organise une journée portes ouvertes intitulée « Discovering AI @ URI Day ». Prévu le 10 décembre prochain au Centre Fascitelli pour l’ingénierie avancée sur le campus de Kingston, cet événement gratuit ambitionne de démontrer comment l’IA est concrètement appliquée à la recherche et à l’enseignement. L’objectif est de permettre à la communauté universitaire de partager ses réussites.
Gaurav Khanna, vice-président adjoint à l’informatique de recherche et directeur de l’Institut pour l’IA, souligne la responsabilité de l’institution. En tant qu’université de recherche de premier plan (R1), l’URI se doit de piloter le développement réfléchi de l’IA pour préparer la main-d’œuvre de demain et stimuler des innovations bénéfiques bien au-delà du campus.
Un écosystème complet mobilisé
L’événement ne se limite pas aux seuls informaticiens. Yan Sun, stratège certifiée en IA et co-directrice du centre CYPHER, insiste sur le fait que l’intelligence artificielle touche désormais presque tous les aspects de l’enseignement supérieur. La liste des intervenants en témoigne, allant de Victoria Gu, sénatrice de Rhode Island spécialiste des technologies émergentes, aux responsables administratifs comme le prévôt Barbara Wolfe.
Des tables rondes diversifiées donneront la parole aussi bien aux professeurs — issus de départements aussi variés que l’histoire de l’art, la biologie moléculaire ou l’océanographie — qu’au personnel administratif qui œuvre en coulisses pour maintenir l’université opérationnelle. Keith Ranaldi, dont les laboratoires d’innovation de la bibliothèque ont joué un rôle central dans la coordination de l’événement, voit cette journée comme un moyen crucial de rendre visible le travail acharné accompli à travers les différentes disciplines, connectant ainsi les idées et les ressources.
Les limites de la machine dans l’apprentissage scolaire
Cependant, si l’enseignement supérieur embrasse ces outils pour la recherche de pointe, l’intégration de l’IA dans le cursus scolaire (K-12) soulève des questions plus philosophiques et structurelles. À l’heure où le secteur technologique gagne en influence, il devient urgent de définir une vision claire. Faut-il imaginer des élèves réussissant grâce à des interactions exclusives avec des chatbots tuteurs ? L’idée que des robots puissent un jour remplacer les enseignants humains est une fausse piste dangereuse.
L’apprentissage repose fondamentalement sur l’effort et la difficulté : se confronter à un concept mathématique complexe, repousser ses limites physiques ou interpréter un roman difficile exige une persévérance particulière. Or, si les logiciels excellent pour nous inciter à accomplir des tâches simples — parfois jusqu’à l’addiction —, seuls des mentors humains, dotés d’une autorité morale et d’attentes réelles, peuvent motiver les élèves à fournir le travail difficile nécessaire à leur croissance intellectuelle. Les robots, par définition, ne se soucient pas des élèves et ne commanderont jamais leur respect.
L’outil au service de la pédagogie traditionnelle
Cela ne signifie pas qu’il faille rejeter l’IA en bloc dans les écoles, mais plutôt l’utiliser pour renforcer l’humain. Premièrement, l’IA a vocation à faciliter la vie des enseignants en prenant en charge les tâches administratives, la préparation des cours et l’analyse de données.
Plus intéressant encore, cette technologie pourrait favoriser un retour paradoxal au papier. Les recherches indiquent que l’apprentissage sur écran est souvent moins efficace que l’écriture manuscrite, qui engage davantage le cerveau et favorise une mémorisation profonde. Avec l’arrivée d’outils capables d’évaluer rapidement des travaux manuscrits — toujours sous supervision humaine —, les professeurs ne seront plus contraints de choisir entre la commodité de la correction automatique numérique et l’efficacité pédagogique du travail manuel.
Enfin, les effets macroéconomiques de cette révolution technologique pourraient offrir de nouvelles opportunités de financement. Si l’IA promet d’augmenter la productivité tout en bouleversant certains secteurs d’emploi, les revenus fiscaux potentiels devront être réinvestis intelligemment dans le système éducatif. L’enjeu est donc double : innover dans la recherche universitaire tout en préservant l’essence humaine de l’éducation fondamentale.

