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Tapis en sisal : Le grand art de Gasy Rug

Tapis Gasy Rug
Pascale Vétois, présentant fièrement l’un de ses chefs-d’œuvre, au Louvre Antaninarenina, en mars dernier. (© Mamy Randrianasolo / lactualite.mg)

Les tapis créés par Gasy Rug, fruits de l’imagination de Pascale Vétois et de son conjoint Philipe, ne peuvent être limités au statut d’artisanat. C’est véritablement du grand art.

Pascale Vétois, une Française venue à Madagascar pour accompagner son mari recruté par l’une des plus grandes entreprises du pays, voyant les potentiels humains inexploités existant dans la région de l’Est où le couple résidait, ainsi que les matières premières foisonnantes, a décidé de mettre à profit son savoir-faire d’ingénieur en design industriel dans la fabrication de tapis en sisal.

À son désir de mettre en place une entreprise, Pascale Vétois a conjugué son côté humanitaire de vouloir tirer les femmes de la région du désoeuvrement. Et c’est ainsi qu’elle a mis en place sa société de fabrique de tapis entièrement fait main, qu’elle baptisa Gasy Rug. Une marque qui a vite fait de conquérir non seulement les connaisseurs de grand art de Madagascar, mais également ceux de nombreux autres pays de par le monde.

Quelques années après leurs naissances, les tapis de Gasy Rug ont franchi les océans pour aller parader sous d’autres cieux où ils ont charmé les visiteurs dans différents salons et expositions. Les tapis de Gasy Rug se distinguent des autres par leurs designs singuliers, différents de ceux des simples tapis classiques rectangulaires ou ovalaires. Dans sa création,  Pascale Vétois a délibérément outrepassé les logiques de la géométrie, pour obtenir son propre style personnalisé. Les figures constituant  ses ouvrages sont conçues de manière surréaliste, tant par la forme que par l’alternance des couleurs foisonnantes, et pourtant belles, car savamment dosées et minutieusement assorties. « La corde, ça s’enroule, on ne peut pas faire dans le droit et le pointu, mais que de formes arrondies. Cette année c’est basé sur les spirales, les thèmes bulles, après ceux des fleurs et des paysages », a-t-elle confié.

Gasy Rug Tapis design
Les tapis de Gasy Rug, méritant l’appellation de fine fleur de l’artisanat, sont entièrement façonnés à la main. (© Mamy Randrianasolo / lactualite.mg)

Une autre particularité des tapis de Gasy Rug, c’est qu’ils ne sont pas uniquement destinés au sol. En effet, accrochés au mur, ils peuvent tout aussi bien donner un éclat féérique, embellissant l’intérieur de la pièce. « Une fois sur deux ils les mettent au mur, une fois sur deux c’est au sol, ça dépend des gens », a-t-elle fait savoir.

À Toamasina, Pascale Vétois a recruté des femmes inoccupées qu’elle a initiées aux techniques de fabrication de tapis par une vraie formation sur le tas pour en faire des tisseuses et des tapisseuses. Aujourd’hui, Gasy Rug comprend des employées constituées en majorité de la gent féminine.

Un déclic dicté par la nécessité

« L’idée de concevoir mes propres tapis m’était venue quand mon mari, également designer, m’a demandé des idées pour des tapis pour la Bosnie, un des plus grands fabricants de tapis au monde. M’étant référé aux associations de femmes de Toamasina qui confectionnaient des tapis limités au figuratif, je lui ai dit qu’on pouvait créer notre propre style. Et ça a marché », a confié Pascale Vétois qui renchérit : « Mais avoir réussi à atteindre cette étape nécessitait du courage, de la patience et de la persévérance, car il faut savoir que pour fabriquer un tapis rond, d’environ 2m de diamètre, il faut 1,2km de tresses, et deux mois pour la durée du travail, dont un pour la tresseuse, et un autre pour la tapisseuse qui les assemble pour que l’ouvrage prenne forme ». En outre elle a ajouté que tout cela doit se faire selon des normes techniques rigoureuses. « Il faut faire en sorte qu’il y ait adéquation entre la matière et le design, et après, le côté créatif, c’est quelque chose qui se développe », a-t-elle expliqué. Et de poursuivre : « Ici, il n’y a pas de vraies écoles d’art et de designer, néanmoins les Malgaches peuvent avoir leur propre style d’artisanat ».

Un parcours ardu et pénible

Mais le parcours professionnel du couple Vétois n’était pas jalonné que de faits heureux. En effet, à Tamatave, durant la période de la « peste », l’année dernière, le mari de Pascale, atteint d’un emphysème pulmonaire, est allé consulter un médecin qui lui a indiqué un centre médical. « Dans ce centre, les personnels médicaux de service ont tout de suite arrêté le diagnostic à la peste, sans même avoir effectué le moindre examen pour déceler les signes. Puis, ils l’ont isolé et ne lui ont plus prodigué les soins nécessaires, dont notamment le respirateur artificiel qui aurait pu lui sauver la vie. Mon mari en a succombé, sans avoir reçu les soins qui se doivent et a été injustement accusé d’avoir attrapé la peste», a-t-elle confié avec amertume.

En dépit de ce fait malencontreux qui l’a plongée dans une grande affliction, Pascale Vétois a décidé de poursuivre ce qu’elle a monté avec son défunt mari : Le tapis Gasy Rug. « Pour garder le précieux souvenir de notre réussite », a-t-elle conclu avec regret, et le regard déterminé, levé vers le ciel.